Pas de pitié pour les animaux!!
Voici un article paru le 02 mai dernier dans le quotidien " La Croix", sous le titre " La pitié naturelle liquidée par l'élevage industriel":
CHRONIQUE de Danielle Moyse, chercheuse associée à l’Iris, au CNRS, à l’Inserm et à l’EHESS.
« Broyez-la… ce n’est qu’une guêpe./ Cueillez-le… ce n’est qu’un muguet./ Encagez-le… ce n’est qu’un merle./ Tuez-le… Ce n’est qu’un orvet. / Savez-vous la raison profonde / De ces petites vies / Et de quel poids est pour le monde / L’injuste mort d’une fourmi ? », demande le poète Maurice Carême…
Affirmant la nécessité de « ne faire aucun mal à mon semblable » non « parce qu’il est un être raisonnable » mais « un être sensible », Rousseau en déduisait que cette qualité étant « commune à la bête et à l’homme », cela « devait donner à l’une le droit de ne pas être maltraitée inutilement par l’autre ». Hélas, il semble précisément que la subsomption de tout principe à celui de l’utilité, et la conversion de la violence en acte froidement mécanisé soient venues à bout de ce que Rousseau appelle « l’impulsion intérieure de la commisération » (Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes).
Le plus souvent, celle-ci retient en effet de provoquer volontairement de la souffrance à chaque fois que l’agent qui en est l’origine est le témoin direct de ce qu’il provoque. Les expériences de Milgram ont ainsi confirmé que si la majorité des êtres humains éprouve une grande difficulté à résister à une autorité intimant l’ordre de violenter une victime innocente, ceux qui manifestent des pulsions foncièrement sadiques sont minoritaires : dans les systèmes concentrationnaires ces derniers sont donc assignés aux besognes les plus sordides, lesquelles sont tenues à l’abri des regards ordinaires (Les Chambres à gaz, secret d’État, Eugen Kogon, Hermann Langbein et Adalbert Rückerl).
L’élevage industriel ayant une capacité de mise à distance de ses propres crimes comparable à ces systèmes, on comprend ainsi sans difficulté comment le respect des « petites vies », déjà peu répandu parmi les hommes, peut y être complètement annulé. Or, il est deux formes opposées de mise à l’épreuve de notre humanité : la première nous confrontant à la force exige courage et détermination dans la résistance, la deuxième, nous exposant à la fragilité, suppose cette tendresse qui nous retient d’abuser de notre pouvoir et sans laquelle nous ne méritons plus le titre d’homme. En cela, notre rapport aux animaux est un très bon lieu d’observation de l’état de notre humanité… Toutes les violences de l’élevage industriel encore révélées dernièrement montrent qu’il y a, à cet égard, vraiment lieu de s’inquiéter…
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